vendredi 29 mai 2015

Lily Marlène (français)

Analyse stylistique : « Lily Marlène », paroles historiques, traduites par Henry Lemarchand, 1940.
Fabienne Ottenwelter, HDA, mars 2014

« Lili Marlène », paroles historiques
  tr. Henry Lemarchand, 1940
1. Devant la caserne
Quand le jour s'enfuit,
La vieille lanterne
Soudain s'allume et luit.
C'est dans ce coin là que le soir
On s'attendait remplis d'espoir
|: Tous deux, Lily Marlène. :|

2. Et dans la nuit sombre
Nos corps enlacés
Ne faisaient qu'une ombre
Lorsque je t'embrassais.
Nous échangions ingénument
Joue contre joue bien des serments
|: Tous deux, Lily Marlène. :|

3. Le temps passe vite
Lorsque l'on est deux!
Hélas on se quitte
Voici le couvre-feu...
Te souviens-tu de nos regrets
Lorsqu'il fallait nous séparer?
|: Dis-moi, Lily Marlène? :|

4. La vieille lanterne
S'allume toujours
Devant la caserne
Lorsque finit le jour
Mais tout me paraît étranger
Aurais-je donc beaucoup changé?
|: Dis-moi, Lily Marlène. :|

5. Cette tendre histoire
De nos chers vingt ans
Chante en ma mémoire
Malgré les jours, les ans.
Il me semble entendre ton pas
Et je te serre entre mes bras
|: Lily...Lily Marlène :|


Présentation :
Ce n'est pas seulement une « traduction », mais une véritable réécriture poétique, cf forme générale:
5 strophes de 6 vers vers, des sizains + un 7ème vers répété, à effet de refrain ; des effets musicaux.
Vers : 5-5-5-6-8-8 (-6) : pentasyllabes / hexasyllabes / octosyllabes ; réguliers, avec nombre croissant, qui fait ressortir le 4ème vers de chaque strophe par rapport aux trois premiers.
rimes : ababcc = 4 rimes croisées et 2 plates ; des effets sonores, à la rime.


Strophes 1 & 2 : un drôle d'amour.
Strophe 1 : un début d'histoire « classique », avec réponse aux questions habituelles qu'on se pose (C.O.Q.P. ; Q(i) C).
Cadre :
* Où : « devant la caserne (allusion militaire, avec déterminant défini, comme si le lieu est évidemment connu ; référence à l'époque),
« ce coin »,
sous une « vieil-le » lanterne, avec mise en relief de « vieille », dont le -e final est prononcé puisque le mot est suivi d'un mot commençant par une consonne (cf règles de prononciation des -e muets finaux en poésie)
+ Quand : « quand le jour s'enfuit » : métaphore banale pour désigner « le soir » (v.5)
→ un cadre désert, guerrier ; tout sauf romantique...
* Qui : personnages : narration à la première personne, dans le « on » familier, inclusif, « je+ toi » ; avec effet d'attente sur le destinataire, repoussé à la toute fin de strophe, dernier mot du vers-refrain
* Quoi : un rendez-vous amoureux... mais surprenant puisque «espoir » rime ici avec « soir » (≠ espoir synonyme de lumière en général)
* comment : plus familier et réaliste que romantique (pas d'envolées lyriques, mais un cadre tristement réaliste)
+ moment passé (cf imparfait de durée « on s'attendait »), mais raconté au présent de narration (« s'allume et luit » v.4), souligné par le connecteur temporal d'action « Soudain », qui a pour effet de nous faire sentir qu'en racontant ce moment passé, le narrateur le revit.
un amour secret

+ Strophe 2 :
* une proximité (« enlacés », renforcés par la liaison nos « corps-z-enlacés » ; « une ombre », « embrassais » et « joue contre joue » … répétée (avec l’imparfait)
* mais un amour caché, interdit puisque « qu'une (seule) ombre » rime avec « sombre »
* qui n'est toutefois pas sinistre puisqu'on note la rime « serments » avec « ingénument » = naïvement, innocemment ;
* et qui reste tout à fait moral, irréprochable puisque le baiser est précipité avec les 6 syllabes du 4ème vers de la strophe et, qu'ensuite, on se limite à un échange de paroles, de promesses.
un amour profond mais caché


Ruptures de la 3ème strophe :
interjection forte « Hélas » (v.17), qui marquez le désespoir.
séparation (champ lexical : « se quitte », « séparer »), due au couvre-feu, mis en évidence dans ce 4ème vers précipité de la strophe
jeu de temps : on passe du présent de narration (« on se quitte ») au présent d'actualité (« te souviens-tu ») ; rupture. Rq : vers 15-16 : (« le temps passe vite », entre un présent de narration et un présent de vérité générale.
type de phrase : du déclaratif avant, pour narrer l'histoire, à l'interrogative, utilisée 2 fois (v.19-20 + 21)
adresse directe et répétée au destinataire, Lily Marlène, avec « te », « tu » puis le prénom « Lily Marlène » v.21 ;
variation du refrain, en type de phrase, mais aussi dans les paroles, avec adresse directe au mode impératif ; besoin de se raccrocher à elle, de lui parler pour partager cette douleur de la séparation
un amour perdu.


Strophes 4 & 5 : un amour d'avenir.
Strophe 4 :
* répétition : mêmes mots, reprise de la figure de style, adverbe « toujours » & présent d'actualité... à la limite du présent de vérité générale ; situation immuable
* Mais encore une phrase interrogative ; différente toutefois car elle concerne « je » ; le narrateur s'interroge, se parle à lui-même
* « aurais-je changé » : conditionnel passé ; valeur d'irréel du passé ; traduit la vanité des sentiments, la lassitude, le doute
un amour passé et dépassé ?

Strophe 5 :
* Champ lexical de la nostalgie : « tendre », « chers vingt ans », « chante », « mémoire » ; identification de la jeunesse … éternelle ; force et vitalité du souvenir
* répétition dans le 4ème vers de la strophe : « malgré les jours, les ans » ; renforce le refus du temps qui passe
* « il me semble » et « je te serre » : présent d'actualité cette fois, à valeur même de futur. L'amour n'est pas oublié, dépassé, mais en le chantant, au contraire, il est actuel, bien vivant, éternel.
un amour actuel et éternel



Ccl : renforcée par la musique, cette ballade, qui présente un amour fort et pur, a trouvé son public et traversé les années, pour représenter la force des amoureux que rien, ni le temps, ni la guerre, ne peut séparer.

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