lundi 1 juin 2015

Dix, biographie, La Guerre et Les joueurs de skatt

Doc Histoire des arts 3° / Jouassin / 2010-2011
Otto Dix 
(1891-1969)

In L’œuvre d’art et le pouvoir – Repère historique : 1ère
 guerre mondiale

Présentation :
  Fils d’un ouvrier  travaillant  sur  les voies  ferrées, Otto Dix  étudie  à  l’école
des  arts  décoratifs    de  Dresde  et  de  Düsseldorf  (1910  à  1914).  Lorsqu’éclate
la première  guerre mondiale,  il  s’engage  volontairement  en  tant  que  soldat  dans
l’armée allemande (section artillerie de campagne). Il combattra, entre autres, sur les
fronts russe et français.
  Sur le front, Dix se comporte tel un reporter et dit vouloir « Tout voir de ses
propres  yeux  pour  témoigner  que  cela  s’est  passé ». Malgré  les conditions  atroces
des  tranchées,  il constituera une sorte de  journal de guerre sous  forme de dessins :
600  seront  réalisés ;  tous  représentant  des  décombres,  explosions  de  grenades,
champs jonchés de cadavres et soldats tapis dans les tranchées.
L’expérience de  la guerre s’avère un événement décisif dans  la vie personnelle du
peintre ainsi que pour  son  inspiration artistique : « La guerre est quelque chose de
bestial : la faim, les poux, la boue, tous ces bruits déments […] Il me fallait y être à
tout prix. Il faut avoir vu l’homme dans cet état déchainé pour le connaître un peu ».
  Ainsi, les œuvres réalisées après 1914 sont-elle hantées par la mort, la guerre
et ses ravages. Par exemple, Les joueurs de Skat (1920) ont pour sujet les mutilés de
guerre. Les  trois  personnages,  privés  de  leurs mains,  sont  contraints  de  tenir  leurs
cartes avec le pied, la bouche ou une prothèse. Plus tard, Le Triptyque de la Grande
Ville (1927-1928) reprendra les thèmes chers à Otto Dix : les ravages de la guerre et
la décadence humaine en général.  Enfin, La Guerre, grand triptyque réalisé de 1928
à 1932,  remet au jour quelques 10 ans plus tard et violemment l’expérience de la première guerre mondiale. Otto
Dix s’est sans nul doute inspiré des 600 dessins réalisés sur le front mais également du Retable d’Issenheim (1515)
peint par Matthias Grünewald. 
L’entre-deux guerres est un moment de création intense pour Dix puisqu’il rejoint, à partir de 1925, le mouvement
de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlihkeit). Les peintres, rattachés à ce mouvement, optent pour une figuration
réaliste détaillée. Leurs  tableaux sont  le  reflet de  la société contemporaine et ont pour  thème,  le plus souvent,  le
portrait  réaliste,  la  ville  industrielle,  les  mutilés,  les  mendiants,  les  trafiquants  ou  profiteurs  de  guerre.  Les
personnages apparaissent souvent dans des postures sinistres ou grotesques. Enfin, sur un plan personnel,  Otto Dix
se marie en 1923 avec Martha Koch dont il aura deux enfants : Nelly et Ursus.
  Tandis que  le nazisme  reprend vigueur en Allemagne, Otto Dix devient enseignant à  l’académie d’art de
Dresde  (1927)  et  obtient  une  chaire  à Berlin  (1931).  Puis,  en  1933  (année  où Hitler  est  nommé Chancelier  en
Allemagne), Dix tombe en disgrâce : il perd son poste d’enseignant et est déclaré artiste « dégénéré » par les nazis.
« Il est dommage qu’on ne puisse pas enfermer ces gens-là » dira Hitler devant ses œuvres. D’ailleurs, environ 250
de  ses  toiles  seront brûlés  lors d’un autodafé. Le peintre, accusé d’avoir participé à un attentat contre Hitler, est
arrêté et emprisonné à Dresde. Une fois libéré, Dix s’exile au bord du lac de Constance où il restera jusqu’à la fin
de sa vie.  Il ne peindra plis alors que des paysages et des sujets bibliques.









Sources : La Peinture moderne, Gallimard, p. 376 ; L’aventure de l’art du XX° siècle, J-L Ferrier, Chêne, p. 312 ;
L’Histoire de l’art du Moyen-Âge à nos jours, Larousse,  pp. 706-707 ; Encycloædia Universalis « Otto Dix »











Otto  Dix,  Autoportrait  en
soldat, 1914.
Huile sur papier, 68 x 53,5 cm Doc Histoire des arts 3° / Jouassin / 2010-2011

Analyses d’œuvres 
1. Triptyque de la Guerre.


La Guerre, triptyque, 1929-1932.
Technique mixte  sur  toile. Panneau  de  droite :  204  x  104  cm ;  panneau  du milieu :  204  x  204  cm ;  panneau  de
gauche : 204 x 104 cm ; prédelle : 60 x 204 cm.

Le  tableau a pour  thème,  la première guerre mondiale  (1914-1918). Otto Dix  retranscrit, dans cette toile,
la violence  des  combats  autour  des  tranchées  et  l’ignominie  des  massacres.  A  la  fin  de  l’année  1914,
les combattants s’enterrent dans les tranchées. La guerre d’usure commence avec ses souffrances : la pluie, la boue,
les poux,  les rats,  le froid  et  les gazs  asphyxiants  tant  redoutés. Otto Dix  a  connu  tout  cela  et  son expérience de
soldat a nourri celle de l’artiste.
Les quatre panneaux semblent relater une journée de combat :
En  premier  (panneau  de  gauche),  les soldats  partent  au  combat,  à  l’aube.    Nous  repérons  beaucoup  de
brume, comme aux petits matins d’automne ou d’hiver (//fin de l’année 1914, les deux armées s’enterrent dans les
tranchées. Lorsque l’hiver commence, le front est stabilisé et l’on comprend que la guerre sera longue). Les soldats
portent  des  bardas  (sac  en  toile,  chaussures)  et  le  fusil  à  l’épaule.  Enfin,  au  premier  plan,  la  roue  d’un  canon
rappelle  que  nous sommes  sur  un  champ  de  bataille.  A  l’arrière-plan,  le  ciel  est  rempli  de  nuées  rouges  et
inquiétantes. Ces mêmes nuées se retrouvent, incendiées dans le panneau de droite. 
Deuxièmement,  le panneau du milieu nous conduit au cœur de  la bataille. Un abri a été détruit et  il n’en
reste que les ruines et la structure (sur la gauche). Un squelette est accroché au sommet de cette structure, symbole
de mort, il pointe sa main décharnée vers l’amoncellement de corps humains situés sur la droite. Otto Dix ne nous
ménage  pas,  la  guerre  est  une  horreur  et  il  entend  la montrer  dans  toute  sa cruauté. Le  charnier  laisse  voir  des
chairs en putréfaction, des  jambes criblées de balles, des  têtes décomposées et hurlantes. Le seul survivant, dans
cette partie du tableau, est le soldat muni de son masque de protection contre les gazs asphyxiants. La référence à la
guerre des tranchées est évidente.
Troisièmement,  le panneau de droite semble dans  la même  tourmente que  le deuxième : couleurs chaudes
(ciel  orageux  et  incendié  à  l’arrière-plan)  et  couleurs  froides  (soldats  au  1°  plan)  s’affrontent. Au  premier  plan,
deux  soldats  se  détachent  du  combat,  fantomatiques  comme  deux  statues  de  pierre. L’un  d’eux  nous  fixe  avec
intensité et tente de relever, courageusement, son camarade blessé à la tête. Ici, il s’agit de l’artiste qui a tenu à se
représenter  lui-même dans  la  toile. Il nous rappelle qu’il a été  témoin et acteur des combats. Son courage évoque
également les fortes amitiés qui unissaient les soldats et qui leur permettaient de garder l’espoir et le moral. Doc Histoire des arts 3° / Jouassin / 2010-2011
Dernièrement,  la prédelle –située   en dessous du panneau central– semble clore cette  journée de combats.
Des soldats  reposent   sous une  tente,  l’atmosphère sombre  indique que  la nuit est  tombée ou que  leur  refuge est
sous terre. Ils ressemblent à des cadavres.

Dans l’ensemble, cette peinture fourmille de détails, Otto Dix s’applique à décrire, avec minutie la cruauté
des combats. Cette manière de peindre  indique bien son appartenance à  la Nouvelle Objectivité :  il a  le souci de
rendre,  objectivement,  les  faits    qu’il  a  vu !  Réalisée  plus  de  dix  ans  après  la  fin  des  combats,  cette  peinture
témoigne avec horreur et véracité de la violence d’une journée de combat pour un soldat.


2. Les joueurs de Skat.

Les joueurs de Skat, 1920.
Huile sur toile, collages. 110 x 85 cm

Ce  tableau,  bien  qu’antérieur  à  La  Guerre,  nous  montre
les conséquences de la première guerre mondiale.  
De  retour  des  combats,  nombreux  soldats  se  retrouvent
mutilés, blessés et/ou invalides. Ici, trois mutilés jouent aux cartes.
La  pièce  est  sombre  et  seul  l’éclairage  d’une  ampoule  donne  la
clarté  nécessaire  pour  illuminer  les personnages.  Mais  cette
lumière est morbide, un crâne est dessiné en son centre.
Les  trois  personnages  sont  assis  autour  d’une  table.
Le premier, en partant de  la gauche, a perdu une  jambe, une main
et un bras.  Il  tient  ses cartes avec un pied. Au centre,  l’homme a
perdu  la moitié de ses  jambes  (remplacée par des prothèses) ainsi
que  les  bras.  Il  tient  ses  cartes  à  la bouche.  Le  dernier,  situé  à
droite de  la composition, a perdu  tout son bassin et ses  jambes.  Il
tient  ses  cartes  avec  la prothèse  de  son  bras  droit.  Sans  rancune
contre  la  guerre  qui  l’a  pourtant  privé  de  la  plupart  de  ses
membres, il porte la croix de guerre sur sa veste.
Otto  Dix  ne  fait  preuve  d’aucun  respect  pour  les  anciens
combattants,  ses  camarades de  tranchée.  Il  les  représente  tels des
monstres grotesques. 

Loin  d’exalter  l’héroïsme,  il  dénonce  au  contraire  la
sauvagerie  destructrice. Avec  La Guerre  et  Les joueurs  de  Skat,
l’artiste  témoigne  de  la  violence  à  laquelle  peut mener  le  pouvoir,  de  la  barbarie  et  des  effets  de  la guerre  sur
l’homme.

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